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Enseigner la recherche et la pratique clinique : une question d’équilibre

L’apprentissage de l’ostéopathie passe par l’acquisition de compétences cliniques et de recherche. Mais bien souvent, la recherche ne représente pas un objectif prioritaire pour les élèves. Pourquoi ?

Gary Fryer, ostéopathe DO, docteur et responsable du département d’ostéopathie à l’université Victoria de Melbourne (Australie)

À l’université Victoria à Melbourne en Australie où il enseigne, Gary Fryer s’est donc posé cette question. La formation en ostéopathie permet d’acquérir des compétences médicales et ostéopathiques et elle intègre bien évidemment un travail de recherche scientifique de niveau master qui présente de nombreux intérêts :

– publier une grande quantité d’articles,

– proposer des recherches pertinentes et utiles pour la profession,

– promouvoir la culture de la recherche et encourager les diplômés à continuer vers un doctorat de recherche.

À l’heure actuelle, de nombreuses études ont pu être présentées au cours de conférences scientifiques et près de 40 projets d’étudiants ont été publiés. Cependant, en proportion, le nombre de ces publications reste faible et beaucoup de sujets de recherche présentant un intérêt évident pour la profession (efficacité d’une technique, exactitude d’une procédure de diagnostic, etc.) mériteraient d’être publiés. Un constat qui s’explique de plusieurs manières : la durée des projets de recherche des étudiants est limitée à seulement deux ans, le personnel encadrant, pas suffisamment nombreux, manque d’expérience et la plupart ont été peu confrontés aux problématiques de la recherche et de la publication. « Tout simplement, une question de temps et d’intérêt » résume Gary Fryer. De plus, les élèves privilégient bien souvent la pratique clinique et la recherche passe au second plan. Ainsi, à l’issue de leur formation, peu sont motivés pour poursuivre leur recherche dans le cadre d’un doctorat. D’autant plus qu’un doctorat est uniquement destiné à poursuivre une carrière universitaire. Or, les filières universitaires pour les ostéopathes n’ont pas encore été créées.

Étudiant en ostéopathie : un apprenti chercheur insatisfait

Mais pour se faire une idée réelle de la désaffection des étudiants pour la recherche, Gary Fryer les a interrogés. Il a cherché à savoir si « l’expérience de la recherche avait été positive » pour les étudiants diplômés en 2011 à l’université Victoria. Les opinions étaient partagées. À la question « être impliqué dans un projet de recherche m’a encouragé à mener de futures recherches ostéopathiques ? », 54,1 % ont répondu non, 18,9 % oui. Pourquoi ce sentiment négatif ? Bien souvent, explique Gary Fryer, « les projets de recherche n’ont pu être achevés à temps et, en dernière année, les étudiants sont plus concentrés sur l’acquisition de compétences cliniques pour leur future activité d’ostéopathe. Cependant, ils sont satisfaits de leur master qui leur a permis d’acquérir des capacités d’analyse critique ». Pour toutes ces raisons, le département d’ostéopathie a modifié en profondeur l’enseignement de la recherche. Son nouvel objectif : apporter aux étudiants les capacités d’analyse critique nécessaires pour devenir des « consommateurs » de recherche plutôt que des chercheurs. Aujourd’hui, l’évaluation critique d’articles de recherche, les théories statistiques et les pratiques informatiques de laboratoire sont enseignées en 4e année. L’évaluation critique des articles et la présentation des projets de groupe dirigés le sont en 5e année. Les étudiants apprennent à réaliser des revues de la littérature, de la collecte de données, de l’analyse statistique et de l’évaluation critique de la littérature connexe. Ils ne sont donc pas tenus de mener un projet du début à la fin et ils peuvent ainsi achever leurs études avec un ressenti positif de la recherche.

[su_box title= »Australie : l’ostéopathie à l’université depuis 1987″ style= »bubbles » box_color= »#ef5602″ title_color= »#1866a5″ radius= »8″]Avant d’aborder le thème de sa conférence, Gary Fryer a présenté l’ostéopathie australienne qui n’est pas médicale et dont la pratique est essentiellement privée. L’ostéopathe n’a pas le droit de prescription, mais il peut prescrire des radiographies (mais pas d’IRM). L’ostéopathie est considérée comme une pratique manuelle et elle s’intéresse surtout aux troubles musculo-squelettiques. Ainsi, les motifs de consultations concernent des douleurs à 87 %, notamment au niveau du rachis lombaire (27,3 %), de la nuque (24,5 %) et de la tête (9,8 %). Petit rappel historique : L’ostéopathie a accosté en Australie en 1907. La profession s’est rapidement développée et les premières écoles sont apparues dans les années 30. Elles englobaient souvent des formations à la chiropractie, l’homéopathie et la naturopathie. Le registre des ostéopathes australiens a été créé en 1979 et, en 1987, l’ostéopathie a intégré l’université. Elle est enseignée au sein de l’université de Victoria à Melbourne depuis 1994. Le programme pédagogique a été établi par Peter Gibbons, docteur et ostéopathe DO. La formation dure cinq années à temps plein sur le modèle 3 ans plus 2 ans. À l’issue de la 3e année, l’étudiant obtient une licence en science. Deux ans plus tard, il obtient sa maîtrise de sciences. L’introduction à la recherche se fait en 4e et 5e année et l’étudiant doit préparer un projet de recherche de deux ans qui aboutira à la rédaction d’un mémoire ou d’un article scientifique. Une situation donc légèrement différente à l’heure. [/su_box]

Former des consommateurs de recherches scientifiques

Ces nouveaux programmes nécessitent cependant de distinguer deux filières. Un master en science (ostéopathie) et un autre qui mènerait vers un doctorat pour les étudiants motivés par la recherche. Une telle filière ne pourrait se mettre en place qu’avec la création de programmes de recherche universitaires en ostéopathie. Pour Gary Fryer, « c’est dans cet équilibre que réside le challenge de la formation en ostéopathie. Former des ostéopathes avertis à la recherche et possédant des capacités d’évaluation critique pour produire des travaux de recherche publiés permettra de créer une vraie culture de la recherche en ostéopathie ». Évaluer l’efficacité du programme pédagogique et l’adapter à la réalité : une démarche que pourront apprécier les diplômés de la promotion 2013 de l’université Victoria. À suivre.

[su_box title= »Relation tuteur-élève : garder en mémoire les règles du management » style= »bubbles » box_color= »#ef5602″ title_color= »#1866a5″ radius= »8″]Pour encadrer plus efficacement la préparation des mémoires de fin d’études des étudiants du CEESO, Marjolaine Dey s’est interrogée sur la relation tuteur-élève. Pour améliorer cette relation, elle s’est appuyée sur un modèle de gestion et de management d’entreprise. Elle a ainsi mis en place une communication régulière via une newsletter bimestrielle adressée aux élèves pour leur rappeler les échéances. Les étudiants ont la possibilité de demander des entretiens individuels avec leurs tuteurs et des équipes d’apprentissage réunissant des étudiants de niveaux d’étude différents ont été constituées. Un système de suivi a également été mis en place avec des outils de mesure spécifique : – évaluation de la différence entre la notation interne et externe – évolution des notes globales – respect des échéances Les résultats de ce système de management ont été évalués et comparés entre les élèves des promotions 2011 et 2012. Résultats : Les notes globales sont restées inchangées. Mais la relation tuteur-élève a été améliorée. Les différences entre notations internes et externes ont significativement diminué. Le respect des délais a été grandement amélioré, que ce soit pour le rendu des mémoires des étudiants ou les évaluations des professeurs. Tous les élèves ont présenté leurs travaux à la 1re session. 13,5 % ne l’avait pas fait l’an passé. Ces techniques de gestion simples peuvent aider à optimiser l’interaction élève-tuteur. Leur coût est réduit et le temps investi minimal. Pour évaluer leur impact avec plus de précision, une étude avec un groupe plus large incluant d’autres cohortes et sur plusieurs années est nécessaire. [/su_box]

Marjolaine Dey, responsable des mémoires au CEESO (Centre Européen d’Enseignement Supérieur de l’Ostéopathie)

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