Cette question part d’un constat simple, malgré les interdictions, les visiteurs de musée ne peuvent s’empêcher de toucher des œuvres d’art. Mais pourquoi joindre le geste au regard ?
Un peu de contexte
Une équipe de chercheurs a mis récemment en évidence une tendance à croire davantage notre sens tactile par rapport à notre vue lorsque nous faisons face à des informations contradictoires.
Pour la réalisation cette étude, l’équipe a utilisé l’illusion « verticale/horizontale ». Cette dernière est l’illusion qu’entre deux segments de même longueur, celui qui est vertical semblera toujours plus long que son homologue horizontal. Cette illusion existe pour les deux sens (visuel et tactile). Il ressort ceci de cette expérience :
- Les analyses de performances objectives pour discriminer les variations de longueur sont meilleures lorsque les participants emploient leur sens visuel par rapport au toucher. Ces résultats sont cohérents avec de précédents rapports qui montraient que pour le sens tactile, le segment vertical était estimé 1,2 fois plus long que le segment horizontal si les deux segments se croisent.
- Lorsque que le segment vertical est suffisamment petit pour que l’illusion ne soit pas opérante ou suffisamment grand pour que le résultat ne soit pas influencé par l’illusion, les participants sont très confiants dans leur sens visuel par rapport au sens tactile. Cela montre qu’il y a une cohérence entre l’impression subjective du participant et les mesures objectives.
- Dans l’intervalle où le segment vertical est suffisamment petit pour que l’illusion soit active (ou bien égal au segment horizontal), la confiance s’inverse et le toucher est jugé plus fiable (bien que les deux sens soient trompés de manière similaire par l’illusion).
Lorsque nous faisons face à des informations difficiles à analyser par nos sens, nous avons besoin ce besoin, humain, de toucher la réalité pour la rendre tangible. Rappelons-nous que naturellement, le nourrisson apprend d’abord par le sens tactile (par les mains ou la bouche) avant de privilégier la vue en grandissant, ce réflexe de « fact-checker » avec nos mains serait donc en quelque sorte un retour aux sources. Malheureusement, le sens du toucher n’est pas infaillible.
Sources :
Fairhurst MT et coll, Confidence is higher in touch than in vision in cases of perceptual ambiguity, scientific reports, 8 : 15604.
Marin C, L’œil et la main : la « métaphysique du toucher » dans la philosophie française, de Ravaisson à Derrida, les études philosophiques, 2003, 64 : 99-112.
Gentaz E, La main, le cerveau et le toucher, 2009, Dunod, 172p.
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