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La perception du mouvement révélée

Les 14,15 et 16 octobre se tenait à Bruxelles le 4e congrès européen sur les fascias organisé par l’association BFmdb (fasciathérapeutes belges et néerlandais méthode Danis Bois). Avec pour thème : La perception du mouvement révélée, les approches thérapeutiques présentées étaient focalisées sur le patient. Avec comme objectif l’utilisation du ressenti comme outil de guérison.

Un reportage réalisé par Reza Redjem-Chibane

Vous retrouverez le reportage complet de ce congrès dans L’ostéopathe magazine #31 à paraître le 1er décembre

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Jill Peeters

Car l’acte thérapeutique appliqué sous l’angle de la perception peut avoir une influence à plusieurs niveaux : sur la structure anatomique (y compris la posture et le mouvement), sur le fonctionnement du système nerveux autonome, sur l’état émotionnel et la douleur et sur l’état d’être et le comportement ou le mode de vie de la personne. Pour mieux exploiter les capacités offertes par ces possibilités perceptives, il est nécessaire de connaître les systèmes anatomiques, neuronaux et physiologiques qui déclenchent cette perception spécifique. Quelles formes de perception peut-on enseigner et appliquer et comment le thérapeute peut-il enseigner ces aptitudes perceptives au patient ?
Pour illustrer l’orientation centrée sur le patient, le congrès a débuté par le témoignage d’une patiente qui a vécu cette prise de conscience corporelle. Souffrant de douleurs lombaires et opérée à deux reprises, Jill Peeters a décrit son parcours thérapeutique qui s’est apparenté à une véritable quête de guérison.

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Paul Sercu

Une quête de guérison

Bien évidemment, les débats se sont ensuite portés sur l’outil de médiation privilégiée entre le corps et la perception : le fascia. Après un rappel historique sur les différentes conceptions du fascia, Paul Sercu, kinésithérapeute, ostéopathe et fasciathérapeute (Belgique), a présenté le lien physio-anatomiste entre le corps et le psychisme. Une présentation qui remet en question la place du cerveau dans notre motricité. Et Paul Sercu de citer Johann Matthäus Bechstein : « le cerveau n’y connaît rien du muscle : il ne connaît que le mouvement ». Et si le cerveau dirige mouvement, il ne sait que comment atteindre un but. Le fascia joue donc un rôle bien plus important. Il permet également à chacun d’avoir une impression de vécu du mouvement, une sensation de bouger et aussi, plus profondément, une sensation d’être Soi en Mouvement.
Paul Sercu a présenté le mouvement sous 3 angles : mathématique, opérationnel et procédural. Le premier permet la conceptualisation du mouvement au niveau mathématique, le second donne accès à la représentation cognitive du mouvement et le troisième correspond au mouvement vécu, expériencié, témoigné. La fasciathérapie se reconnait plutôt dans ce dernier mode d’appréhension. Elle prend appui sur le sentiment du mouvement interne vécu dans le corps pour poser son action thérapeutique (libération d’une vertèbre comme libération d’un mouvement). Et finalement résume Paul Sercu, « le patient se traite lui-même ». [su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider][su_quote cite= »
Matthäus Bechstein »]Le cerveau ne connaît rien du muscle : il ne connaît que le mouvement ![/su_quote][su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider]

La rééducation sensorielle… tout en lenteur

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Helene Bourhis

Hélène Bourhis, docteure en sciences de l’éducation, chercheuse au CERAP et directrice de formation au Centre de Formation en Psychopédagogie Perceptive (France), nous propose alors une application directe de cette idée en démontrant la valeur ajoutée de la perception/conscience du mouvement dans la construction de l’unité corps-esprit. Dans un premier temps, elle a rappelé l’importance du mouvement dans les processus cognitifs et identitaires pour proposer ensuite une vision élargie de cette perception. À travers les notions de subjectivité et de temporalité, elle introduit la rééducation sensorielle comme un moyen de développer une activité perceptivo-cognitive impliquant le patient. En insistant sur les intérêts de la lenteur dans la réalisation de ces mouvements, elle reprend Maurice Merleau-Ponty pour appuyer son propos : « C’est le corps en mouvement qui perçoit, (…). C’est l’organisme tout entier dans sa structure et sa matière qui devient perceptif. »
Une approche confortée par l’intervention par visioconférence de Robert Schleip, responsable du Fascia Resaerch Group et rolfer (Allemagne), qui décrit le rôle du fascia dans la proprioception et l’interoception par l’intermédiaire de ses mécano-récepteurs. Il précise également le rôle de l’intéroception dans le sentiment de bien-être et d’appartenance. Mais dans cette approche qui mêle sensorialité et thérapie, le patient n’est pas le seul à subir une transformation perceptive. Le thérapeute vit un réel changement identitaire. Il approfondit son toucher et les kinésithérapeutes qui se forment à la fasciathérapie découvrent un corps du patient plus global, plus unifié, plus intériorisé. C’est le propos de la thèse réalisée et présentée par Christian Courraud fasciathérapeute, psychopédagogue, et chercheur au CERAP et formateur en psychopédagogie (France).

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Joeri-Calsius

Comment avoir accès l’inconscient des patients ?

Une transition parfaite avec l’analyse transdisciplinaire de Joeri Calsius, psychologue clinique, physiothérapeute et ostéopathe (Belgique), sur le fascia comme voie royale vers l’inconscient. Comment la manipulation des fascias peut-elle nous donner un accès à l’inconscient de nos patients ? Joeri Calsius a d’abord rappelé que le travail des fascias est artisanal. Le thérapeute est un travailleur manuel qui travaille son champ. Cette métaphore lui permet d’introduire la notion de champ, notion décrite par Sigmund Freud, Donald Winnicott et Wilfred Bion. Ce champ représente la relation intersubjective, intersoensroielle et intercorporelle qui s’établit entre le patient et le thérapeute. En reliant les mécanismes neurophysiologiques de la manipulation des fascias avec les processus dynamiques de transformation de l’inconscient en conscient, Joeri Calsius veut décrire une dynamique thérapeutique ou le thérapeute est en avant tout un accompagnateur de cette transformation.[su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider][su_quote cite= »Joeri Calsius »]En reliant les mécanismes neurophysiologiques de la manipulation des fascias avec les processus dynamiques de transformation de l’inconscient en conscient, le thérapeute se définit comme un accompagnateur de cette transformation.[/su_quote][su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider]

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Liv Helvik Skjaerven
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Kirsten Ekerholt

Une conclusion qui ouvre le champ à la présentation des différentes approches thérapeutiques utilisant la conscience corporelle. D’abord la Basic Body Awareness Therapy de Liv Helvik Skjaerven, professeure associée au sein du Département de Physiothérapie de l’Université de Bergen (Norvège), qui s’est intéressée à la qualité du mouvement en physiothérapie. Elle s’est aperçue que le mouvement était beaucoup étudié d’un point de vue quantitatif et très peu dans sa dimension qualitative. En décrivant le mouvement pathologique (non coordonné, saccadé, non harmonieux, etc.), elle établit un modèle de mouvement qualitatif. Elle considère ainsi qu’un mouvement est qualitatif quand la personne est en relation avec l’espace, le temps et l’énergie, et que son mouvement « lui ressemble ». Autre approche thérapeutique utilisant la conscience corporelle : la Norwegian Psychomotor Physiotherapy de Kirsten Ekerholt, psychomotricienne (Pays-Bas). Elle propose un protocole d’évaluation du patient prenant en compte les impacts physiques des troubles psychiques. L’évaluation comporte différentes composantes, dont la posture, la respiration, le mouvement, l’image du corps et les aspects neurovégétatifs (chaleur, respiration, température cutanée, etc.). Cette évaluation déterminera le type d’intervention proposée au patient.[su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider][su_quote cite= »Liv Helvik Skjaerven »]Un mouvement est qualitatif quand la personne est en relation avec l’espace, le temps et l’énergie, et que son mouvement « lui ressemble ».[/su_quote][su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider]

La fluidité surprenante de notre intériorité

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Jean-Claude Guimberteau

Et bien évidemment, incontournable dans un congrès de fascias, celui que l’on ne nomme plus lorsque l’on parle de continuité fibrillaire sous la peau. Celui qui a observé au plus près la fluidité de notre intériorité. Celui qui a balayé les couches anatomiques à travers son exploration du corps humain avec son endoscope. Celui dont les films nous baladent de l’épiderme au derme, du derme à l’hypoderme, de l’hypoderme au fascia superficialis puis au tissu graisseux. Du tissu graisseux à l’aponévrose puis à l’épimysium, au périmysium et l’endomysium, etc. J’ai nommé Jean-Claude Guimberteau, chirurgien plasticien et chirurgien de la main (France). Ses résultats exploratoires au service d’un modèle basé sur la microvacuole ne cessent de prendre corps, que ce soit dans la main des praticiens que dans ses expérimentations in vivo.

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Stephen M. Levin
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Peter Huijing

Et puisque nous sommes dans la partie « incontournables » de cet article, citons Stephen Levin, chirurgien orthopédique (États-Unis) et Peter Huijng, professeur de biomécanique et physiologie (Pays-Bas). Le premier nous a parlé de tenségrité. Le second nous a présenté son travail de recherche sur les effets des tissus cicatriciels sur la transmission de force myofasciale. Nous nous sommes par la suite attardés sur la structure des fascias avec Stefaan Deneweth, médecin (Belgique) et sa vision alternative de l’anatomie dynamique. Il fait la démonstration que le squelette osseux seul n’est pas une architecture équilibrée. Avec un élastique, qui s’apparente à un tendon, ce squelette trouve son équilibre. Les muscles ne contribuent pas à cet équilibre. Il a également des idées sur la physiologie du cartilage. Pour que le cartilage soit nourri, il faut des compressions-décompressions. Lors de la compression, il y a une production de fluide et lors de la décompression, le cartilage absorbe ce liquide. Un processus en accord avec la notion de biotenségrité et la défaillance de ce système expliquerait la dégradation du cartilage. Une physiologie qui réaffirme l’importance du mouvement dans la santé articulaire.

Un comportement tenségral plus qu’une structure tenségrale

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Leonid Blyum

Leonid Blyum, chercheur en biomécanique (Russie), s’est quant à lui intéressé à l’évaluation musculo-squelettique inspirée de la biotenségrité. Sa recherche se base sur les extrêmes entre des individus sains et des personnes atteintes de pathologies cérébrales. La biotenségrité est naturelle pour Leonid Blyum. Il parle d’un comportement tenségral plutôt que d’une structure tenségrale. Il replace ainsi la notion de « vivant » dans la biotenségrité.[su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider][su_quote cite= »Domnique Bourgeois »]Pour faire évoluer notre regard anatomique du muscle et dans le cadre de la biotenségrité, on peut parler d’un « grand muscle du corps distribué en différentes portions dans le corps.[/su_quote][su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#e0e0e0″ size= »1″][/su_divider]

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Dominique Bourgeois

Nous plongeons ensuite dans l’univers de l’anatomie dynamique avec Dominique Bourgeois, kinésithérapeute et fasciathérapeute (Belgique) qui, après avoir fait quelques rappels embryologiques, nous rappelle que dans le monde fibrillaire, il existe une substance liante, comme un fluide qui pousse sur les structures pour créer les tensions/relâchements. L’ensemble « fibrilles et substance fluidique » crée des volumes en 3 dimensions au sein du tissu conjonctif dont les densités sont différentes. Prenant l’exemple d’un os de poulet posé dans du vinaigre, qui redevient malléable, vriable, pliable, elle explique comment l’os est une structure malléable solide, mais non rigide.
Dans le cadre d’un mouvement, le tissu conjonctif est innervé et peut transmettre et recevoir l’information, il peut se rétracter pour créer un certain tonus, et avoir ainsi un impact direct sur l’élasticité, la déformabilité du système. Pour faire évoluer notre regard anatomique du muscle et dans le cadre de la biotenségrité, on peut parler d’un « grand muscle du corps distribué en différentes portions dans le corps ». C’est ainsi que le corps bouge au sein d’une globalité et non pas de manière morcelée.

Stress post-traumatique : les fascias en souffrance

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Linda de Lausnay

Ce congrès s’est également attaché à mettre en lumière des applications de concepts thérapeutiques. Linda de Lausnay, kinésithérapeute et fasciathérapeute (Belgique) a travaillé sur l’intérêt de la fasciathérapie chez des réfugiés adolescents, victimes de stress posttraumatique. Elle a travaillé avec des adolescentes exilées victimes de maltraitance dans leur pays d’origine et au cours de leur exil. Beaucoup de troubles sont observés chez ces jeunes filles : douleurs, troubles cognitifs et sensori-moteurs, mémoire, rapport à soi perturbé, rapport au corps perturbé, syndrome stress post-traumatique, etc.

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Philippe Rosier

Et Philippe Rosier, kinésithérapeute, fasciathérapeute et doctorant (Belgique) a présenté son étude, toujours en cours, auprès d’un public de footballeuses sur la place de la perception en kinésithérapie dans la prévention des blessures chez les athlètes de haut niveau. Les résultats seront disponibles dans environ une année. À suivre.

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Bernard Payrau

Enfin, Bernard Payrau, cardiologue et fasciathérapeute (France) a exposé les résultats de son étude sur les effets de la fasciathérapie sur le stress et l’émotion. Une étude comparative avec les techniques d’hypnose, de réflexologie, de musicothérapie et avec un groupe contrôle de repos à partir de questionnaire de STAI et sur une séance pratiquée.

[su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#d80027″ size= »1″][/su_divider]La recherche ne doit pas s’empresser

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Danis Bois
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Michel Probst

Ce congrès s’est conclu par un plébiscite de Michel Probst, professeur au sein du département des sciences de la réadaptation et de psychiatrie (Belgique), sur les enjeux de la kinésithérapie en santé mentale. Un vrai défi selon lui pour le futur. Ainsi que par une synthèse de Danis Bois, fasciathérapeute et chercheur (France), de l’ensemble du congrès. Il a su inscrire ce congrès dans la dynamique de recherche sur les fascias comme un aboutissement après de longues années de travail pour faire reconnaître tous les enjeux de ce tissu qu’est le fascia. Mais Danis Bois a également tracé les grandes lignes d’une recherche qui doit se garder d’être trop empressée à élaborer des théories. Car « la pratique est souvent en avance sur la science. Il nous faut consolider les évaluations pour mieux comprendre les phénomènes en jeu dans nos pratiques thérapeutiques » encourage Danis Bois.

[su_quote cite= »Danis Bois »]La pratique est souvent en avance sur la science. Il nous faut consolider les évaluations pour mieux comprendre les phénomènes en jeu dans nos pratiques thérapeutiques.[/su_quote]

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Le poster d’Isabelle Bertrand

En parallèle du congrès, un affichage de poster présentant des recherches avait lieu. A la fin du congrès le meilleur poster a été désigné. La lauréate a été Isabelle Bertrand France) avec son poster décrivant sa thèse sur l’apport de la prise en charge à médiation corporelle dans la prise en charge de l’obésité. Notamment les effets des pratiques à médiation corporelle dans la prise en charge de l’obésité pour des patients suivis au CHU de Clermont-Ferrand, effets sur le rapport au corps et à soi, sur l’observance thérapeutique et le comportement alimentaire, sur l’estime de soi, sur la qualité de vie, sur les stratégies d’adaptation au stress.[su_divider top= »no » style= »dotted » divider_color= »#eae5e6″ link_color= »#d80027″ size= »1″][/su_divider]

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Réagissez : Est-il possible d’intégrer ces notions d’anatomie dynamique ou plutôt d’équilibre postural dynamique dans la thérapie ostéopathique ? Les ostéopathes doivent-ils travailler en collaboration avec des professionnels ayant cette expertise. Le champ d’application des kinésithérapeutes recouvrent-ils ces nouvelles approches qui intègrent notamment sensibilité perceptive et éducation sensorielle ?

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