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Interview de Danis Bois, fasciathérapeute

Interview de Danis Bois, fasciathérapeute

Masseur-kinésithérapeute et ostéopathe, Danis Bois est professeur à l’université Fernando Pessoa à Porto et agrégé en sciences sociales spécialisation en psychopédagogie perceptive. Il a développé la fasciathérapie et le concept de somato-psychopédagogie. Actuellement, il est directeur scientifique de l’école supérieure de fasciathérapie et directeur-fondateur du CERAP*, centre d’étude et de recherche appliquée en psychopédagogie perceptive.

QUELLE EST LA SPÉCIFICITÉ DE VOTRE PRATIQUE DE LA FASCIATHERAPIE ?

bois2Dans ma pratique, j’ai introduit une donnée supplémentaire par rapport à l’ostéopathie structurelle et fonctionnelle : l’aspect somato-psychique. La fasciathérapie s’adresse au patient et pas seulement à ses tissus. Pour comprendre comment un toucher manuel pouvait avoir une incidence sur le vécu de la personne, j’ai suivi un cursus universitaire en psycho-pédagogie. J’ai ainsi validé un doctorat en sciences de l’éducation puis une agrégation en sciences sociales, équivalent d’un HDR (habilitation à diriger la recherche). Je peux donc diriger des travaux de recherche et notamment des enquêtes qualitatives auprès de patients. Mes recherches sont orientées vers la mise en place de protocoles qualitatifs afin de connaître ce que les personnes vivent au niveau du toucher manuel. Et ma principale découverte a été la caractérisation du toucher psychotonique.

POUVEZ-VOUS NOUS DÉCRIRE COMMENT VOUS AVEZ DÉFINI LE CONCEPT DE TOUCHER PSYCHOTONIQUE ?

Après dix années d’études centrées sur l’aspect psychique et cognitif de la personne, je me suis trouvé face à une situation paradoxale. Dans le milieu de la santé, le fonctionnement du corps et l’influence du psychisme sur le corps sont bien connus. Mais l’influence du physique sur l’esprit l’est beaucoup moins. Dans mon laboratoire, nous étudions cette approche somato-psychique et cette réflexion m’a conduit à développer le concept de toucher psychotonique. C’est-à- dire chercher à comprendre comment, avec un toucher particulier (un toucher de relation), une pression juste, au moment juste et à l’endroit juste, il est possible de s’adresser aussi bien au corps qu’à l’esprit. C’est ce que j’ai appelé le point d’appui.

COMMENT AVEZ-VOUS CARACTÉRISE CE POINT D’APPUI ?

La notion de point d’appui manuel a été préconisée par Rollin E. Becker pour décrire le maintien tensionnel en lien avec le mécanisme respiratoire primaire. Le point d’appui manuel utilisé en fasciathérapie est global et concerne toutes les structures anatomiques (fascia, muscles, périoste, os, organes). Il s’agit d’un arrêt circonstancié du principe d’autorégulation du tonus physique et psychique et qui se traduit, sous la main du thérapeute, par une accumulation des forces de résolution toniques. J’ai par la suite transposé le point d’appui à la gestuelle et notamment dans la posture immobile qui met aussi en jeu le psychotonus dès lors que l’on associe dans un même geste lent et conscientisé les composantes linéaires et circulaires du geste. À travers un travail sur les mouvements des danseurs, j’ai ainsi étudié la gymnastique gestuelle intériorisée. Par des mouvements lents, les danseurs peuvent prendre conscience de la structure fonctionnelle qui compose leurs mouvements. Par exemple, l’extension de la colonne vertébrale est habituellement décrite comme une inversion des lordoses et cyphoses. Or, une extension n’est possible qu’avec un mouvement d’antériorité du tronc, associé à un mouvement vers le haut. À vitesse normale, l’individu ne perçoit pas ces mouvements associés à l’extension de la colonne vertébrale. La prise de conscience de ces mouvements associés par l’individu n’est possible que s’il y a une assistance proprioceptive. C’est-à-dire que pendant toute la durée du mouvement, l’individu peut le changer et l’ajuster. Et lorsque le mouvement s’arrête avant sa fin, se met en jeu le psychotonus. Le but de cette démarche est d’amener la personne à trouver un point d’appui où apparaît le psychotonus. Ces travaux sur le psychotonus ont fait l’objet d’une thèse de doctorat réalisée par Maria Leão à l’université Paris 8 : Pré-mouvement, anticipation, présence scénique et réaction organique du performer. Méthode d’entraînement à travers la méthode Danis Bois. Un livre a également été publié : Art performatif.

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QUEL EST ALORS L’EFFET D’UNE ACTION DU FASCIATHERAPEUTE SUR CE POINT D’APPUI ?

Quand ce point d’appui est bien réalisé, il émerge des fascias une tension évolutive qui donne lieu à une augmentation du tonus physique et du tonus psychique (force de résilience**) et qui donne une tension spécifique au niveau du tissu du patient. Si ce toucher est réalisé profondément, le patient ressent une émotion particulière que mettent en évidence nos recherches. Ce toucher libère le corps et l’esprit et amène le patient à « lâcher du vécu ». Ainsi, à la libération des tissus correspond une libération du vécu et le relâchement est simultanément corporel et psychique. Le problème est de savoir la durée de ce bien-être provoqué par le toucher. Les résultats montrent que c’est très fluctuant. C’est pourquoi, j’ai introduit la notion d’un point d’appui global pour permettre la réaction tonique du corps. J’ai mis beaucoup de temps avant de réaliser que cette libération physique s’accompagnait d’une libération psychique (libération du vécu). Il faut donc développer une expertise pour comprendre et gérer ce que ressent la personne à ce moment-là.

VOUS AVEZ AUSSI INTRODUIT UNE PRATIQUE SPECIFIQUE EN FASCIATHERAPIE, LA PULSOLOGIE. POUVEZ-VOUS NOUS DECRIRE CETTE TECHNIQUE ?

La pulsologie s’inscrit dans le cadre de la loi de l’artère d’Andrew Taylor Still. Lorsque j’ai créé la pulsologie, l’ostéopathie proposait des techniques de manipulation ou de libération du fascia pour agir indirectement sur l’artère par l’intermédiaire d’une régulation des systèmes neuro-végétatif et neurovasculaire. Il n’y avait pas de techniques spécifiques pour agir directement sur les vaisseaux sanguins. La fonction de la pulsologie est double. D’abord, elle permet de faire un bilan et d’évaluer la réaction vaso-motrice de l’artère. Une pression douce et uniforme au niveau de l’artère entraîne une vasoconstriction puis une vasodilatation. Selon le temps de réponse, il est possible de déterminer la qualité de la circulation sanguine. Ensuite, la pulsologie a une action thérapeutique sur les flux sanguins. Nadine Quéré, fasciathérapeute, a écrit un ouvrage sur le sujet où elle présente une étude expérimentale démontrant qu’un travail sur la pulsologie avait une réelle action sur la nature du flux sanguin. En raison de facteurs de stress, ce flux sanguin est turbulent. Après traitement, il redevient laminaire. Ces travaux ont fait l’objet d’une communication à la Harvard Medical School à Boston en octobre 2007 au cours du premier congrès de recherche sur les fascias.

QUELLES COLLABORATIONS SONT POSSIBLES ENTRE FASCIATHERAPEUTES ET OSTEOPATHES ?

La fasciathérapie a deux vocations. La première est curative et vise à soulager les douleurs et les troubles fonctionnels de l’appareil locomoteur. La seconde s’intègre aux soins de support auprès de patients souffrant de maladies chroniques. Dans certains cas de traumatisme ostéo-articulaire récent, la manipulation ostéopathique offre une alternative complémentaire à la fasciathérapie. Par son action de soin de support, la fasciathérapie peut offrir une alternative complémentaire à l’ostéopathie pour les pathologies chroniques comme les polyarthrites scapulo-humérales, les douleurs aiguës inflammatoires, les fibromyalgies, les pathologies cancéreuses, etc. La fasciathérapie vise en effet aussi à améliorer la qualité de vie, le sommeil, le stress et l’angoisse. Elle agit sur la santé perceptuelle pour diminuer le mal-être.

*Créé en juin 2004, le CERAPP, centre d’étude et de recherche appliquée en psychopédagogie perceptive, regroupe des chercheurs et experts formés auprès de Danis Bois. Ses recherches sont axées autour de la notion d’expérience corporelle comme lieu de formation de soi et d’apprentissage de nouveaux modes de relation à soi, à autrui, au monde et au savoir. www.cerap.org

** La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique.

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