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La douleur est-elle soluble dans le contexte ?

Le contexte conditionne la manière dont nous vivons une expérience. De fait, nos attentes peuvent influer sur toute perception. Mais pour aujourd’hui intéressons nous à la perception, au vécu, à l’expérience de la douleur. Comment le contexte peut-il jouer un rôle dans la douleur ?

Le contexte est une notion assez large, elle joue dans le quotidien du patient, mais il peut aussi s’agir du contexte du soin, et enfin du contexte dans lequel évolue le praticien. Nous évoluons en permanence dans une succession de contextes plus ou moins forts, stressants, agréables ou reposants. Chaque contexte peut changer notre vécu d’un événement.

Les attentes conditionnent la valeur de la douleur

La valence est un concept en psychologie qui explique que toute expérience/vécu/perception revêt un caractère positif ou négatif (Shuman et coll, 2013).

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Cette notion est intimement liée à la question des émotions associés à un évènement ou un fait. Elle a été notamment étudiée au sein du component process model. Tout un ensemble de facteurs vont rentrer en jeu : la pertinence de l’évènement et ses implications, la relation de causalité de l’évènement, le résultat attendu, la différence du résultat avec les attentes, l’urgence, la possibilité d’atteindre son but. De même, la possibilité d’action de l’individu sur la situation conditionne aussi beaucoup la suite des évènements et son ressenti.

Ainsi, la valence d’un évènement peut changer selon le contexte. Prenons l’exemple de la sensation de froid, dans un contexte hivernal, avec un mauvais temps, la valence pourra être négative, tandis que dans un contexte de canicule cette sensation de froid peut prendre une valence beaucoup plus positive. Dans la douleur, on peut se retrouver sur des notions semblables. Une douleur subie dans un contexte sur lequel on n’a pas de prise qui vient s’ajouter à d’autres éléments de frustration prendra une valence négative, tandis qu’une douleur ressentie dans un contexte sportif avec le mantra « no pain, no gain » peut revêtir une valence positive.

Une expérience sur 16 volontaires a mis en évidence que les attentes et le contexte peuvent, si certaines conditions sont réunies, rendre la douleur plaisante (Leknes et coll, 2012).

Et l’empathie dans tout ça ?

L’empathie est une condition importante sans être forcément le cœur du soin. Cela peut paraitre contre-intuitif, il s’agit de ne pas conduire comme seule stratégie de soin l’empathie. Si c’est une qualité essentielle du thérapeute, elle doit se mettre au service d’une stratégie plus globale de soin du patient (Goubert et coll, 2005).

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Ce processus reposerait sur un système de circuit de neurones miroirs. Il permettrait de rejouer en interne (sensation, émotion) ce que nous percevons d’autrui et à partir de nos propres expériences. Une fois encore le contexte va jouer un rôle mais ici dans notre perception de la douleur d’autrui.

Il peut ainsi exister des facteurs personnels mais aussi contextuel qui peuvent mener à surestimer ou à sous-estimer la douleur d’autrui. Dans le premier cas, le risque de surprotéger le patient et de lui apporter un soin non adapté, nourrir la catastrophisation et la kinésiophobie du patient et dans le second cas, il s’agit plus que le patient ne se sente pas compris ou que sa plainte soit niée, cassant de fait la relation de soin.

Ainsi, concernant le contexte du soin et son impact sur notre capacité à être empathique, il faut savoir l’utiliser de manière efficace sans pour autant se laisser déborder. Il ne s’agirait pas que cette qualité dans la relation du soin se transforme en biais cognitif (comme : l’erreur fondamentale d’attribution, l’illusion de savoir, la tache aveugle à l’égard des préjugés, la perception sélective).

Mise en pratique

Dès lors, comment utiliser ces données dans la pratique ? D’une part, rendons-nous compte qu’il faut déjà s’informer lors de l’anamnèse du contexte dans lequel a émergé la plainte du patient et celui dans lequel il se poursuit, de la manière dont la plainte est vécue, sa valeur et de la place qu’elle occupe au sein de sa vie. Après tout, c’est le cœur d’une approche globale centrée sur le patient. D’autre part, il y a plusieurs manières d’agir avec le patient sur la valence de la douleur.

Il est possible par l’éducation thérapeutique de la douleur, d’apporter l’information que la douleur est un processus naturel, qu’il a pour but de protéger l’intégrité physique d’un danger réel ou potentiel. Ainsi, sa présence est révélatrice en l’absence de signe de gravité d’un processus physiologique normal et quelque part de la bonne santé de notre patient. Pour se rapprocher de notre concept ostéopathique, de la mise en branle des processus d’auto-guérison. Ainsi, celle-ci prendra lors d’un échange bien mené une valence positive, prenant part à un processus visant à la protection du patient. Cela peut permettre de contourner l’appréhension de la douleur et la kinésiophobie qui peuvent entretenir le phénomène douloureux.

Une autre manière de faire est de voir avec le patient quelles sont ses attentes et ses objectifs. Un simple « Qu’attendez-vous de moi ? » ou « Comment puis-je vous aider ? » peut parfois permettre de cerner clairement avec le patient ce qui compte pour lui. S’agit-il vraiment de la douleur ? Ou bien de la mobilité ? Ou enfin peut-être est ce une activité précise que le patient vise ? (Jouer avec ses petits-enfants, faire un sport en particulier, marcher une certaine distance, s’accroupir pour faire son jardin).

Après tout, faut-il peut être voir dans la prise en charge de la douleur du patient une certaine forme de cluedo. À vous de jouer !

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Sources :

Goubert L, et coll, Facing others in pain: the effect of empathy, Pain, 2005, 118: 285-288.

Leknes S, et coll, The importance of context: When relative relief renders pain pleasant, Pain, 2012, 154: 402-410.

Shuman V, Sander D, Scherer KR, Levels of valence, Frontiers in Psychology, 2013, 4, article 261.

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Pour aller plus loin:

Retrouvez la synthèse des interventions du Symposium Ostéopathique Internationale de Nantes consacré à la douleur chronique dans notre prochain numéro (#41). Les conférences de Marco Gabutti, Jerry Draper-Rodi ou Hilary Abbey couvrent notamment cette thématique abordée dans notre article.

Concernant la question de l’empathie dans la gestion du soin au cabinet c’est par ici (Accès abonnés).

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