Les femmes enceintes qui souffrent de prééclampsie pendant leur grossesse risquent davantage de donner naissance à un bébé atteint d’une malformation congénitale cardiaque.
Une vaste étude menée auprès de 1,9 millions de mères et de leurs nouveau-nés par une équipe du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) démontre pour la première fois une association claire entre ces maladies de la mère et du bébé, dès le début de la grossesse. Cette étude publiée aujourd’hui dans la revue JAMA, The Journal of the American Medical Association, jette les bases de futures recherches pour améliorer la prévention et le dépistage de ces maladies.
Malformations cardiaques : 8 naissances sur 1000
Les malformations congénitales cardiaques sont les malformations les plus fréquentes chez les nouveau-nés. Elles affectent huit naissances sur mille. Malgré les avancées médicales, elles constituent une cause importante de maladies et de mortalité infantiles. « Nous avons découvert que les malformations congénitales cardiaques sont significativement plus fréquentes lorsque la mère a souffert de prééclampsie pendant sa grossesse », affirme la Dre Nathalie Auger, première auteure de l’étude, chercheuse au CRCHUM et professeure de médecine sociale et préventive à l’Université de Montréal.
Pourquoi certains bébés naissent avec une malformation du cœur ? L’origine est parfois héréditaire. Mais au-delà de ce constat, les causes et les facteurs de risques demeurent inconnus. Des chercheurs s’interrogent sur la possibilité d’un lien avec la prééclampsie, une affection de la femme enceinte caractérisée par une élévation de la pression artérielle (hypertension) et un taux élevé de protéines dans les urines (protéinurie). « Les femmes enceintes touchées par la prééclampsie et les bébés nés avec une malformation du cœur ont des similarités au niveau de facteurs biologiques qui servent à la formation des vaisseaux sanguins. C’est cette coïncidence dans le débalancement des facteurs angiogéniques qui nous a incité à entreprendre cette étude populationnelle », explique la Dre Auger.
Le lien entre entre prééclampsie et malformation cardiaque est réel !
Les chercheurs ont examiné le registre de toutes les naissances vivantes dans les hôpitaux du Québec – le quart de la population du Canada – entre 1989 et 2012. Toutes les femmes qui ont donné naissance à un bébé après 20 semaines de grossesse au cours de cette période ont été considérées, ce qui représente 1 942 072 nouveau-nés.
Dans l’ensemble, 17 296 nouveau-nés, soit 8,9 nouveau-nés sur mille présentent une malformation cardiaque. Chez les femmes qui ont souffert de prééclampsie, l’incidence de malformations cardiaques grimpe à 16,7 nouveau-nés sur mille, comparativement à 8,6 sur mille pour les femmes qui n’ont pas été affectées par une prééclampsie. Les malformations du cœur les plus fréquentes sont des atteintes non critiques, comme les malformations septales, qui se manifestent par un trou dans la paroi qui sépare les deux ventricules ou les deux oreillettes du cœur et entraîne un problème de circulation sanguine. « Le risque absolu de malformation congénitale cardiaque est faible. Mais il y a un lien réel entre la prééclampsie et le risque d’accoucher d’un bébé ayant une malformation cardiaque. Et ce risque est plus élevé lorsque la prééclampsie survient avant 34 semaines de grossesse », note Nathalie Auger.
Un risque plus élevé avant 34 semaines de grossesse
La prééclampsie est détectable à partir de la 20e semaine de grossesse. Cette complication peut parfois évoluer vers une éclampsie franche mettant en danger la vie de la mère et du bébé dans les cas les plus graves. Dans les faits, les biomarqueurs qui empêchent la formation des vaisseaux sanguins sont présents dès le début de la grossesse chez la femme qui développera plus tard la maladie. Le cœur du bébé se forme au début de la vie intra-utérine. Si une malformation cardiaque survient, elle se produit généralement entre huit et dix semaines de gestation. « Il y a possiblement un facteur commun dans l’embryon et la mère qui déclenche à la fois la prééclampsie et les malformations cardiaques très tôt dans la grossesse », estime l’épidémiologiste.
Mieux comprendre la physiopathologie
Actuellement, une femme diagnostiquée avec la prééclampsie fait l’objet d’un suivi plus étroit pour vérifier si le bébé se développe normalement. La plupart des bébés qui présentent une malformation congénitale cardiaque peuvent être sauvés. Ils sont traités à l’aide de médicaments, d’interventions non invasives ou par la chirurgie. « D’autres recherches sont nécessaires avant de modifier les recommandations médicales. Mais le fait de savoir que la prééclampsie peut augmenter le risque de malformations congénitales cardiaques chez le bébé à naître devrait aider à mieux comprendre la physiopathlogie de ces maladies et ultimement à améliorer leur prévention et leur traitement », conclut la Dre Auger.
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Source : alphabalileo.org (22/10/2015)