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Endométriose : des vies de battantes, un quotidien de combats

Les femmes atteintes d’endométriose composent chaque jour avec une maladie chronique. Nous avons recueilli les témoignages de plusieurs d’entre elles sur leur quotidien, leurs appréhensions, les parcours de soin et simplement elles. 

Margot, Héloïse, Hélène, Julie, Océane, elles sont toutes des femmes aux parcours différents et vivent avec le même mal, sourd et profond : l’endométriose. Une maladie méconnue, non seulement du grand public, mais également de beaucoup de professionnels de santé. Pourtant elle touche plus de 10 % des femmes en France et dans le monde. Julie, 24 ans, a eu « la chance d’avoir été diagnostiquée à 16 ans », alors que le temps moyen de diagnostic varie entre sept et dix ans. Et c’est justement là que le bât blesse. Quand elles font part des douleurs qu’elles ressentent, celles qui s’appellent entre elles les « Endogirls » s’entendent répondre « Ne vous inquiétez pas c’est dans la tête », « Vous êtes juste un peu douillettes ». Autant de coups de poignard assénés par les professionnels de santé, parfois l’entourage, en méconnaissance totale face aux réalités de ces femmes. 

Une situation qui engendre une frustration et des retards dans la prise en charge « le diagnostic a pris 9 ans de mon côté, c’est énorme. Si on m’avait réellement écoutée et diagnostiquée plus tôt, peut-être que je ne vivrais pas avec ces douleurs au quotidien, peut-être que j’aurais plus de chances d’avoir des enfants » se désole Héloïse. Neuf ans, c’est également le temps qu’a pris le diagnostic pour Océane, 23 ans aujourd’hui. Son parcours est semé d’embûches. Remarques acerbes, déni de douleurs, grossophobie, tout y passe « c’était chaotique, un nombre incalculable de gynécologues, on m’a dit vous êtes obèse, c’est à cause de cette graisse que vous avez mal, étrangement avec aujourd’hui 50 kilos en moins j’ai toujours mes douleurs », ironise la jeune femme. 

Si le diagnostic permet de poser des mots sur les maux, il n’est qu’une étape dans la lutte quotidienne de ces femmes. 

« C’est l’endométriose qui vit avec moi » 

L’endométriose ce n’est pas une maladie qui dure le temps des menstruations. Chaque jour, selon les cas, de nombreux symptômes sont présents. En réalité, il existe des endométrioses et chaque cas et chaque patiente est différente. Comment vivent-elles avec ? « J’ai toujours l’habitude de dire que ce n’est pas moi qui vis avec, mais elle qui vit avec moi. C’est une simple manière de dire les choses, mais qui a une importance pour moi », témoigne Julie. Cela fait huit ans que la jeune femme doit composer avec sa maladie. Durant sa scolarité, outre les remarques, Julie fait face aux sanctions « je ne pouvais pas assister au cours de natation, car pendant plusieurs semaines j’avais mes règles, le professeur en question ne me croyait pas et affirmait que c’était impossible », se souvient-elle amèrement. Sur les bancs de la fac, elle connaîtra les déboires des longues journées assise, des douleurs les jours de partiels, elle en tire finalement « une plus grande motivation, avant de nuancer même si aujourd’hui je suis en début de carrière et que je n’ose pas en parler au patron ou à mes collègues par peur du jugement ».

Hélène, infirmière, a dû revoir sa carrière. Après des débuts au bloc opératoire puis aux services de réanimation, le rythme jour/nuit conjugué aux crises l’a réorientée vers l’exercice de sa profession en libérale « et même là il faut apprendre à gérer les crises pendant la tournée », souligne la femme de 32 ans. Face à la maladie, chacune de ces femmes vit à son rythme « l’acceptation », l’adaptation, le changement, les douleurs physiques et psychologiques. Margot et Héloïse nous confient qu’elles ont « beaucoup de mal à vivre avec l’idée qu’elles sont malades ». Un changement de vie, car la maladie fait désormais partie du quotidien de chacune de ces femmes. 

Un changement de vie que Marie Rose Gales, blogueuse et auteure, évoque dans un Tumblr (endometriosemonamour), plein d’humour pour parler de son propre cas. La « Bridget Jones » de l’endométriose le raconte en ces termes « Il aura fallu un peu de temps, mais j’y suis, j’ai accepté la maladie ! J’ai accepté de changer mes projets, de changer de façon de vivre, que ma vie sera rythmée par l’évolution de la maladie ». 

L’acceptation, un chemin long, jamais totalement acquise avec des jours de doute, des jours de solitude, des petites victoires dans une guerre ou les traitements lourds et les petites astuces pour lutter contre les douleurs sont de mise. 

Un «  parkour  » de soins et des combines 

La vie d’une Endogirl s’apparente à cette discipline sportive qu’est le parkour. Un art du déplacement, une discipline sportive acrobatique qui consiste à franchir des obstacles par des mouvements rapides et agiles et sans l’aide de matériel. Dans le cas d’une femme atteinte d’endométriose, tout y passe  : antidouleurs, pilule contraceptive, appareil d’électrostimulation, opérations chirurgicales… Chaque cas étant différent, le traitement se fait selon l’endométriose de chaque patiente. Pour Hélène par exemple, plusieurs interventions chirurgicales ont déjà eu lieu, la jeune femme a vu ses lésions atteindre la vessie, les ligaments utéro-sacrés, le colon, le rectum et l’urètre. S’en sont suivi plusieurs opérations, dont l’ablation d’un ovaire en 2017. Dans d’autres cas, comme Margot en attente d’une coloscopie, la pilule contraceptive est prescrite. Outre ses effets indésirables, elle n’est pas une solution aux douleurs «  quand elles sont trop intenses on m’a aussi prescrit de l’Acupan  », ajoute la jeune femme originaire d’Ernée en Mayenne. 

Quid des interventions non médicamenteuses ? Toutes ont partagé leurs petites astuces pour lutter contre la douleur. Margot reprend, « un bain chaud limite brulant et mon doudou sur le ventre »« ma bouillotte et mes patchs chauffants », enchaîne Julie, « Une couette, un pyjama, une bouillotte et une bonne dose d’anti-inflammatoire » pour Océane. Pour le recours à l’ostéopathie, de nombreux gynécologues et médecins recommandent aux patientes. Julie y a recours tous les six mois « c’est des séances épuisantes physiquement, mais qui me soulage a un certain niveau ». Le praticien fixe son attention, pour son cas, sur la mécanique osseuse du bassin, les organes du plancher pelvien et la lame SRGVP. L’intervention ostéopathique travaille en l’occurrence sur la mobilité de l’utérus, du bassin et des viscères pour soulager a minima les souffrances physiques des patientes. 

Un impact psychologique 

C’est dans votre tête. Cette triste phrase souvent entendue par les femmes atteintes d’endométriose par des professionnels de santé est l’une des violences psychologiques de cette maladie. Si la douleur physique est d’abord niée, c’est en réalité dans la tête des praticiens que cela se passe. En effet, le manque de formation dans les cursus de santé et la relation soignant-soigné est souvent mis à mal en France. Ainsi, c’est seulement depuis 2020 que l’endométriose figure dans un chapitre en 5e année pour les futurs médecins généralistes par exemple. Nier les douleurs revient aussi pour certains gynécologues à ne pas prendre en compte le corps de la patiente. Les examens au spéculum deviennent une torture médicale, s’en suit le non moins triste, vous êtes douillette. 

Les douleurs psychologiques des patientes peuvent les enfermer dans la honte et la peur. Les relations de couple deviennent complexes « j’ai peur d’avoir mal et honte de ne pas satisfaire son compagnon de vie, je crains également de ne pas pouvoir materner un jour », se désole Margot. La maladie entraîne parfois l’infertilité et des dyspareunies profondes qui rendent les relations sexuelles avec pénétration très douloureuses, voire impossibles. La peur entraînant la peur, certaines femmes se coupent entièrement de leur sexualité. Les spécialistes de la question sont unanimes, la maladie se vit à deux pour les personnes en couple. Les conjoints et conjointes de femmes souffrant d’endométriose ont un rôle à jouer dans le traitement de la maladie. 

La violence psychologique émane également des diktats sociaux sur la sexualité et la représentation du corps des femmes. De plus, l’absence totale de reconnaissance des pouvoirs publics est une violence supplémentaire. Reconnaître l’endométriose comme maladie invalidante, engager des budgets recherche, écouter et surtout comprendre la vie de ces femmes n’est pas encore une priorité en France. Aujourd’hui des professionnels de santé, des associations et surtout les patientes se mobilisent. Il n’est plus question de libérer la parole, mais finalement il faut prendre en otage l’écoute. Qu’on se le dise, si une maladie aussi violente touchait plus de 10 % des hommes dans le monde, qu’en serait-il de sa prise en charge ?

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