Une étude menée auprès de quelque 200 jeunes atteints d’encéphalopathie épileptogène – c’est-à-dire une épilepsie marquée par la présence d’une déficience intellectuelle ou d’un retard dans le développement global – a permis mettre au jour huit nouveaux gènes responsables de ce type d’épilepsie grâce au séquençage complet du génome, ce qui n’avait jamais été fait auparavant pour cette maladie à une aussi grande échelle.
Chez environ 30 % des patients épileptiques, les médicaments ne permettent pas d’emblée de contrôler les crises. Les neurologues doivent alors avancer à tâtons, par une série d’essais et erreurs, pour identifier la bonne combinaison de médicaments. Pour ces patients, l’administration de médicaments qui cibleraient spécifiquement la cause de l’épilepsie représente un espoir. Oui, mais voilà, identifier la cause de la pathologie ne se fait pas en criant ciseau ! « Il y a un grand nombre de gènes en cause. Chaque enfant peut avoir des mutations différentes et souvent les manifestations cliniques ne permettent pas de bien connaître l’origine de l’épilepsie, ce qui rend le choix du médicament plus difficile à faire», affirme le Dr Jacques Michaud, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur aux Départements de pédiatrie et de neurosciences de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Développer une stratégie plus rationnelle du traitement antiépileptique
Une récente étude qu’il a menée auprès de quelque 200 jeunes atteints d’encéphalopathie épileptogène – c’est-à-dire une épilepsie marquée par la présence d’une déficience intellectuelle ou d’un retard dans le développement global– et leurs parents pourrait permettre de développer une stratégie plus rationnelle du traitement antiépileptique. Cette recherche d’envergure que le Dr Michaud a pilotée avec ses collègues Elsa Rossignol et Patrick Cossette de l’Université de Montréal et Berge Minassian de l’Université de Toronto a permis d’identifier huit nouveaux gènes en cause dans ce type d’épilepsie grâce au séquençage complet du génome, ce qui n’avait jamais été fait auparavant pour cette pathologie sur une aussi grande échelle. Les résultats de l’étude sont rapportés dans un article qui vient d’être publié dans The American Journal of Human Genetics.
« En connaissant la pathophysiologie du gène impliqué, on espère aller vers un traitement plus approprié en plus de réduire le lourd processus d’investigation médicale», fait valoir le Dr Michaud. Cette découverte va plus loin encore. En plus de valider l’approche systématique du séquençage de l’ensemble du génome en clinique, l’étude a montré que des mutations de novo, soit des mutations spontanées qui ne sont pas héritées des parents, représentent la cause principale de cette forme sévère d’épilepsie. « On a réussi à identifier le changement génétique précis à l’origine de la maladie chez 32 % des sujets de l’étude. Ce qui est assez remarquable puisque ce sont des enfants qui ont fait l’objet d’une investigation poussée, mais chez qui on ne trouvait pas la cause. On peut penser que si nous avions fait cette analyse plus tôt, en amont à tous les autres tests que le rendement aurait été encore plus grand », estime le Dr Michaud.
Un effort collectif international
Pour ce spécialiste des maladies rares, titulaire de la Chaire Jeanne et Jean-Louis Lévesque en génétique des maladies du cerveau et de la Chaire de recherche en déficience intellectuelle Jonathan Bouchard, le séquençage complet du génome en clinique est une valeur ajoutée comparativement à l’approche plus conventionnelle axée sur l’exome, qui correspond uniquement à 2 % de l’ensemble du génome. « Grâce au séquençage complet, il a été possible d’identifier un plus grand nombre de mutations. Le développement de nouvelles méthodes d’analyses des séquences du génome permettra dans le futur d‘augmenter encore plus le rendement diagnostique.», explique le pédiatre et généticien.
La clé de cette percée réside dans un effort collectif international qui a mis en jeu la collaboration de plus de 100 chercheurs, tient-il à préciser. « On a activé un réseau de collaborateurs de la Grande-Bretagne, de l’Australie et de divers pays de l’Europe afin de pouvoir identifier 30 autres enfants avec des mutations dans les mêmes gènes. C’est ce qui nous a permis de valider nos données ».
Associer ces traitements avec le profil génétique des patients
Dans le contexte de l’épilepsie, ajoute-t-il, les mutations de novo semblent mettre en jeu des mécanismes de perturbation des gènes qui se distinguent de ceux en jeu dans la déficience intellectuelle. « Les mutations de l’épilepsie ont tendance à toucher des régions spécifiques des gènes alors que les mutations associées à la déficience intellectuelle sont plus souvent distribuées à la grandeur des gènes. Ce patron suggère que les mutations associées à l’épilepsie confèrent des propriétés spécifiques aux protéines correspondantes, pouvant se traduire par une diminution ou une augmentation de leur activité, indique le Dr Michaud. Dans la déficience, les mutations vont juste inactiver le gène. » La connaissance de ces mécanismes d’action est cruciale pour le développement de traitements personnalisés de l’épilepsie. Toutefois, il faudra encore beaucoup de travail pour réussir à arrimer ces traitements avec le profil génétique des patients.
Informations bibliographiques complètes
Fadi F. Hamdan et al. “High rate of recurrent de novo mutations in developmentaland epileptic encephalopathies”, The American Journal of Human Genetics, 101, 664–685, November 2, 2017.
https://doi.org/10.1016/j.ajhg.2017.09.008
Source : communiqué Université de Montréal (6/11/2017)
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