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Sport et périnée : sans maîtrise, la puissance n’est rien !

Le congrès Sport et Périnée s’est tenu les 27 et 28 septembre 2018 à Paris. Organisé par l’Institut de Gasquet, son objectif était de mettre en lumière le rôle du périnée dans la pratique sportive. Notamment le sport de haut niveau à travers la présence de représentants de l’INSEP et de la fédération française de gymnastique. Qu’avons-nous retenu de ce congrès ?

Un reportage réalisé par Reza Redjem-Chibane

Ouvertes aux professionnels de santé et de la forme, les deux journées de rencontres ont rassemblé près de 200 personnes, pour l’essentiel des kinésithérapeutes. Certains pratiquant l’ostéopathie. Mais étaient également présents des ostéopathes exclusifs, des coaches sportifs et quelques gynécologues. Des ateliers permettant de ressentir les principes de la méthode dans des applications variées étaient également proposés et des patients sont venus témoignés de leur expérience thérapeutique.
Bernadette de Gasquet, médecin et professeure de yoga, a ouvert le congrès en rappelant que « si le périnée est aujourd’hui à la mode, il a longtemps été le grand oublié de notre système de santé ». Au cours de ce congrès, le gainage intégral a été présenté comme élément clef de l’entraînement des sportifs. « Il concrétise l’aboutissement d’une collaboration avec l’INSEPS, notamment avec Stéphanie Cornu » rajoute Bernadette de Gasquet. Et Stéphanie Cornu, chargée de mission au PRN SEMC – ministère des Sports, de reprendre la parole en évoquant « un projet complexe qui a nécessité un long temps de maturation puisqu’il a été initié il y a maintenant 10 ans ».

Mais quel est donc ce projet révolutionnaire ?

Il s’agit d’intégrer le gainage intégral comme une méthode de renforcement pour performer. Le gainage intégral place le périnée au centre de l’entraînement du sportif, depuis le renforcement musculaire jusqu’au geste spécifique de chaque sport. Il devient le point d’ancrage sur lequel s’élaborent le geste sportif et la performance.
Mais créer une méthodologie pour mettre en œuvre ce projet n’était pas l’objectif initial, précise Stéphanie Cornu. « Le gainage intégral a été découvert par sérendipité, c’est-à-dire que nous avons inventé quelque chose sans le faire exprès. Car notre démarche, à travers le sport au féminin, a d’abord été de faire rencontrer deux univers complètement éloignés : la médecine lobstétrique et le milieu sportif ».

[su_box title= »GAINAGE INTÉGRAL // définition  » style= »noise » box_color= »#ef5602″ title_color= »#00070d » radius= »8″]Le gainage intégral est une technique utilisée en préparation physique pour remplacer le gainage traditionnel (crunch, etc.). Au lieu du raccourcissement habituel des abdominaux, il fait intervenir le périnée, l’auto agrandissement par la contre-nutation et la mise sous tension du transverse inférieur. Elle permet la création d’un point de stabilité au niveau du bassin à partir duquel s’édifie le geste sportif. Définition d’après Stéphanie Cornu, chargée de mission au PRN SEMC – ministère des Sports[/su_box]

Alban le Bigot, représentant de la mission Grand INSEP, poursuit en présentant les ambitions de cette mission. La première est de proposer un accompagnement structurel, scientifique, médical pour créer un environnement sain et de qualité et faire éclore les talents. La seconde est de partager de bonnes pratiques dont les vertus du gainage intégral pour la santé de sportifs qui sont souvent très jeunes. L’objectif doit être la prophylaxie afin de réduire le nombre des blessures. Ce dernier note que « la localisation du qi (énergie vitale en médecine traditionnelle chinoise) et la géographie du périnée ne sont pas très éloignées ». In fine, le sportif de haut niveau doit améliorer sa performance à travers des « gains marginaux » pour lesquels le gainage sera d’une grande aide.

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Travailler sur un pré-câblage cérébral de de la contre-nutation et du placement

Pour illustrer la mise en œuvre du gainage intégral, Frédéric Evrard, MKDE et maître assistant à la haute école de kinésithérapie de Liège, a commenté une vidéo de l’entraînement d’une nageuse. À travers cette séquence il décrit les fondamentaux de la méthode du gainage intégral : l’action du périnée et du transverse, la contre-nutation, l’importance du placement, l’importance de la respiration et de l’auto-grandissement, la fermeture.
Franck Legras, chargé de mission à la fédération française de gymnastique, revient quant à lui sur les caractéristiques du sport de haut niveau : « c’est le côté bref des actions qui caractérise le sportif de haut niveau. En pleine action, ce dernier ne peut pas réfléchir sinon il a déjà perdu. Il faut travailler sur un pré-câblage cérébral notamment au niveau de de la contre-nutation et du placement ». Car l’intérêt d’installer ce gainage systématique dans une technique en action est difficile à expliquer aux sportifs. C’est le rôle du préparateur physique en collaboration avec l’entraîneur.
Olivier Pauly, entraîneur et préparateur physique, prend alors la parole pour rappeler que dans le milieu sportif, le paramètre force est souvent privilégiée. Pourtant, déclare ce dernier, « le niveau de force est sans commune mesure avec le niveau de performance sportive ». La musculation fait appel à plusieurs dimensions : l’intensité, le volume et la vitesse. L’idée c’est d’aller vers une 4e dimension : le niveau de contrainte posturale. Mais pour intégrer cette dimension posturale à travers notamment le positionnement et le gainage, il faut dépasser plusieurs problématiques. Les résultats alors obtenus ne seront pas négligeables pour la performance du sportif de haut niveau. Olivier Pauly propose un cheminement en trois étapes pour mettre en place cette dimension posturale dans tous les exercices de musculation des sportifs.

Le périnée : un outil de prévention des blessures

Les communications se sont ensuite orientées vers une autre thématique : le périnée comme outil de prévention des blessures. Pierre Billard, médecin fédéral de la fédération de gymnastique et Martine Robert, DTN fédération de gymnastique, ont présenté le projet Gymsanté dont les trois objectifs sont :
1/ Rendre la gymnastique accessible au plus grand nombre
2/ Répondre aux attentes et aux besoins santé des pratiquants qui souhaitent débuter ou se remettre à une activité physique
3/ Jouer un rôle social et sociétal par le sport (RSE au sein de l’entreprise)
Pour mettre en place le projet Gymsanté, la fédération de gymnastique s’est appuyée sur les expertises de l’Institut de Gasquet et l’institut de biomécanique humaine Georges Charpak. Pierre Billard, évoque alors un paradoxe de la gymnastique. Alors que ce sport réunit tous les ingrédients de prévention de la lombalgie (placement, alignement et gainage), on observe le constat inverse chez ses pratiquants… Pourquoi ?

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Le paradoxe de la gymnastique

Même si des raisons intrinsèques à la pratique de la gymnastique comme l’aspect « lordosant », les impacts, les charges, etc., peuvent expliquer les lombalgies chez les gymnastes, il faut trouver une recette pour dépasser ce paradoxe. C’est ainsi qu’a été lancé le projet Lombalgym pour créer un parcours sécurisé du sportif incluant médecin, kinésithérapeute, coach en gymnastique santé et renforcement musculaire. Ce projet, qui sera déployé en 2020, sera validé cliniquement. Il aura notamment pour objectif de réapprendre les postures de base aux gymnastes en utilisant tout le matériel disponible dans une salle de gymnastique et en s’appuyant sur les principes physiologiques mettant en œuvre la contraction du périnée et le contrôle de la phase expiratoire.
Pour prolonger cette initiative de la fédération de gymnastique, Jean Senges, responsable de la cellule préparation physique et réathlétisation du Creps PACA et chef de projet réathlétisation à l’INSEP, est revenu plus en détail sur les bénéfices du gainage et plus globalement du périnée dans la prévention et le traitement de certaines blessures. Il rappelle l’importance de la blessure dans la performance sportive à travers cette phrase de Jean-François Toussaint, directeur de l’IRMES (Institut de Recherche bio-Médicale et d’Épidémiologie du Sport) : « les athlètes médaillés aux JO sont statistiquement ceux qui ont été les moins blessés pendant l’année qui précède les JO ». Si la blessure est un élément constitutif de la performance de haut niveau, il faut intégrer des moyens de protection du sportif. Et le gainage est idéal même si l’image motrice de cette zone du corps est difficile à obtenir. Mais à travers l’exploitation maximale de la plasticité cérébrale qui permet la construction permanente d’images motrices, ce travail d’apprentissage est envisageable.

Améliorer la neurophysiologie du périnée

Gian Marco Trovarelli, kinésithérapeute et ostéopathe, est revenu les bénéfices de l’auto-grandissement pendant le gainage. Il a analysé la biomécanique du gainage au niveau de la sphère thoracao-lombaire et sacro-iliaque. Il arrive à la conclusion que le gainage améliore la neurophysiologie du périnée et agit de manière préventive et curative sur certaines algies pelvi-périnéales.
Enfin, pour clôturer cette première journée, un sujet tabou dans le milieu sportif féminin a été abordé : l’incontinence urinaire. Et c’est Pierre Mares, gynécologue-obstétricien, qui s’est interrogé sur l’influence du sport sur le périnée des femmes. Il a abordé présenté les chiffres de la prévalence de l’incontinence urinaire et les facteurs favorisant ainsi que les façons d’entretenir son périnée. Son raisonnement nous conduit à cette interrogation : « l’incontinence urinaire chez la femme sportive serait-elle, non pas un diagnostic, mais un symptôme d’une dysfonction du contrôle postural ? » Il répond à cette question à travers la physiopathologie de la mise en place de l’incontinence urinaire et il propose une rééducation spécifique.
Vendredi 28 septembre – Le lendemain, alors que des ateliers étaient proposés pour expérimenter les différentes applications du gainage et du travail du périnée, Bernadette de Gasquet est revenue sur la représentation du périnée à travers les temps. Elle a d’abord apporté cet élément de comparaison intéressant : l’élasticité du vagin des femmes indiennes est 10 fois supérieure à celle des femmes brésiliennes. Il y plusieurs raisons pour expliquer ce constat : « la posture assise au sol, le portage de charge avec le front, etc. Et ces femmes ne sont pas victimes d’incontinence urinaire ! » s’exclame Bernadette de Gasquet.

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Une approche pédagogique des douleurs pelvi-périnéales

Et lorsque cette région du corps est en souffrance, il existe, à Alberta au Canada, un centre de douleur pelvienne que nous a présenté Annie Breton. La prise en charge y est assurée par une équipe pluridisciplinaire qui propose un parcours de soins individualisé avec notamment une approche pédagogique pour expliquer ce qu’est la douleur.
Cette autre conférence sur l’hyperactivité a permis de repositionné le périnée dans l’abord thérapeutique des troubles alimentaires. Julie Robert, MKDE, a partagé avec nous ses connaissances sur l’anorexie. Elle incite tous les thérapeutes qui prennent en charge ce trouble à prendre en compte les conséquences sur le périnée.
Pour conclure, l’après-midi de cette seconde journée de conférences s’est centré sur l’incontinence des athlètes féminines, la grossesse et l’accouchement et les affections coloproctologiques liées au sport.
Ce congrès a donc abordé la place du périnée dans la pratique sportive de haut niveau. Depuis la prévention jusqu’à la thérapie, en passant par l’amélioration de la performance, la meilleure connaissance de cette zone de notre corps permettra de dépasser l’effet de mode autour du périnée. Avec un test grandeur nature : les prochains Jeux olympiques à Paris.

Vers une prise de conscience corporelle du périnée

D’ici-là, chaque thérapeute peut mettre en œuvre des outils auprès de ses patients pour contribuer à une prise de conscience corporelle du rôle central du périnée dans notre santé.
Vous retrouverez un reportage « intégral » sur le congrès Sport et périnée dans un prochain numéro de L’ostéopathe magazine. Nous aborderons plus en détail la mise en œuvre du gainage et exploreront les aspects physiologiques et biomécaniques des concepts présentés au cours de ce congrès. Nous nous attacherons également à comprendre quelles sont les différences entre le gainage intégral et l’approche Pilates. A suivre !

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