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Oralité de l’enfant : la SEROPP prend la parole

L’alimentation est primordiale dans les premiers âges de la vie. Notamment chez les prématurés. Le mécanisme de l’oralité et les moyens d’action sont mieux connus. Quelle est la place de l’ostéopathie dans cette prise en charge ? Tour d’horizon avec la SEROPP.

Par Élise Bouyssou, ostéopathe et titulaire du DU de périnatalité (Paris VII) et Reza Redjem-Chibane

Article tiré du #25 (mars-avril-mai 2015) Enquête Posturologie : une histoire qui tient debout

Le 23 janvier dernier, la SEROPP (Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique) organisait son 4e symposium sur le thème de l’oralité. C’est sous la présidence du professeur Yannick Aujard, néonatologiste, que se sont tenues les dix conférences de la journée de ce symposium. Et c’est Gérard Couly, professeur de chirurgie maxillo-faciale et de stomatologie à l’université Paris Descartes, qui a introduit la journée par un fascinant exposé d’embryologie. Les vertébrés disposent d’une oralité de prédation depuis 500 millions d’années. De cette branche ont émergé les mammifères qui ont développé une nouvelle forme transitoire d’oralité : la succion, ou oralité primaire, suivie de la déglutition. Elle permet aux parents de nourrir et de protéger leur progéniture jusqu’à leur autonomie nutritionnelle. Chez l’humain, l’oralité du foetus commence à se développer à la fin du 2e mois embryonnaire. Chez l’embryon, on note des homologies entre développement du visage et des mains avec des formations sensorielles homologues entre la main et la bouche. La bouche est un espace multisensoriel recouvert de peau internalisée où l’on retrouve des organes sensoriels : corpuscules de Ruffini et Paccini et organes tendineux de Golgi. Les activités motrices linguales et orales de la succion débutent aux environs de la 9e semaine de vie fœtale et elles précédent les premières séquences de succion-déglutition objectivables par échographie à partir de la 12e semaine d’aménorrhées.

L’oralité fœtale pour préparer l’oralité nutritive 

Le réflexe de Hoocker permet d’autostimuler la succion primaire du nouveauné. Un phénomène de succion déglutition se déclenche lorsque le foetus passe les mains devant sa bouche. La mise en évidence de ces séquences motrices orales est importante pour apprécier la qualité de l’oralité néonatale future. À la naissance, cette oralité foetale non nutritive laissera place à une oralité nutritive. La mastication s’installera progressivement pour être efficace vers 3-4 ans. La commande neurologique de la succion n’étant plus stimulée, elle sera remplacée par un programme de mastication. Patrick Fellus, chirurgien-dentiste et orthopédiste dentaire au CHU Robert Debré (Paris), a abordé les difficultés de transition du mécanisme de succiondéglutition vers la mastication-déglutition. Les prises en charge classiques ne sont pas suffisamment efficaces selon lui et les éducateurs fonctionnels (gouttières devant être portées plusieurs heures par jour) ne sont pas assez portés par les enfants. Quant aux prises en charge orthophoniques, elles sont parfois compromises par le jeune âge du patient et elles sont « souvent trop superficielles, car elles ne s’intéressent qu’à la bouche antérieure » précise ce dernier. La rééducation doit emprunter la voie sous corticale pour réengrammer la nouvelle fonction de mastication déglutition comme prédominante.

Persistance de succion en dentition lactéale : quelle prise en charge ?

Le chirurgien-dentiste a également présenté la Froggy Mouth, petit appareil souple et amovible que l’on dispose dans la bouche de l’enfant. Il permet aux lèvres de rester détendues lors de la déglutition. L’absence de contact bilabial interdit en effet toute possibilité de réaliser une pression négative à l’intérieur de la cavité buccale. Par conséquent, lorsque l’enfant avale sa salive, il ne peut plus utiliser la succion déglutition. Une prédominance de la succion déglutition persistante aurait des conséquences sur la qualité respiratoire de l’enfant et sur la croissance et le positionnement du massif dentaire. Marc Bellaiche, chirurgien gastro-pédiatrique, et Véronique Blanc, psychologue clinicienne, exercent au sein du CHU Robert Debré. Sans-titre-2Ils ont présenté leur collaboration dans la prise en charge des troubles de l’oralité alimentaire chez les enfants. Le premier est d’abord revenu sur les différentes pathologies à écarter face à une enfant qui ne souhaite plus s’alimenter en rappelant qu’il est important d’évaluer la présence d’un état de dénutrition. Une fois toute pathologie médicale grave écartée, les consultations pour troubles de l’oralité menées par les psychologues ont pour but de réconcilier l’enfant avec le plaisir buccal. Un protocole de stimulation adapté au rythme de l’enfant peut démarrer. D’abord par des sollicitations corporelles : approcher et toucher les différentes parties du corps de l’enfant. Puis par des sollicitations olfactives à l’aide d’arômes naturels. Ensuite, par une sollicitation tactile des mains d’abord non alimentaire (par pétrissage et malaxage de pâte à modeler par exemple) puis alimentaire. Enfin commence la sollicitation de la bouche pour faire réinvestir positivement cet espace à l’enfant par des sons, des jeux. L’étape finale sera l’apport des aliments à la bouche.

« L’oralité est aussi ancienne que la vie qu’elle pérennise »

Physiologie de la succiondéglutition chez le nouveau-né : mise à jour

L’intervention de Gisèle Gremmo- Feger, pédiatre au CHU de Brest (29) et coordinatrice du DIU Lactation humaine et allaitement maternel, a permis de faire une mise à jour de la physiologie de la succion du nourrisson. La plupart des études réalisées sur ce sujet portaient sur des succions au biberon. Elles ont donc été à l’origine d’erreurs de compréhension de ce mécanisme. Les récentes études sur la succion au sein à l’aide d’échographies ont permis d’identifier le mécanisme de pression négative intra buccale comme principal responsable du transfert du lait entre le sein et la bouche du nourrisson. Quand la langue est en position basse, le lait peut s’écouler. Il n’y a pas de mouvements péristaltiques de langue ni de déformation du mamelon. La clef d’une bonne succion déglutition pour le nourrisson est donc sa capacité à créer une pression négative efficace dans sa bouche, qui maintiendra le sein en bouche et obligera le bébé à respirer par le nez. La pédiatre a également évoqué les différences entre sein et biberon. L’utilisation du biberon ne nécessite pas d’effort de la part du bébé pour faire écouler le lait. Elle n’entraine pas le même engagement sensoriel et relationnel droite / gauche que le sein. (NDLR : les dysfonctions ostéopathiques pourront passer inaperçues sur un allaitement biberon dans un premier temps puisque la capacité de succion déglutition est moins sollicitée).

Troubles de l’oralité chez le prématuré : adapter les soins !

Charlotte Casper, pédiatre néonatologiste à l’hôpital des enfants du CHU de Toulouse (31) et Anne-Laure Duigou, pédiatre au CHRU de Brest (29), ont tour à tour présenté les progrès réalisés dans l’adaptation des soins aux prématurés. Le développement psychomoteur est un processus lent et continu qui se nourrit de toutes les expériences bonnes ou mauvaises. L’oralité du nouveau-né prématuré est fragile. La prise de poids étant une priorité vitale, elle risque d’être perturbée par des traitements invasifs tels que les sondes et leurs moyens de fixation ainsi que le non-respect du cycle faim-satiété. Les soins de développement sont basés sur différentes techniques pour améliorer l’environnement du prématuré et éviter tout stress. Les stimulations (lumières, bruits, etc.) seront diminuées. Les soins de l’équipe médicale seront regroupés et adaptés aux cycles sommeilveille du nourrisson afin de préserver la qualité de son sommeil. Les parents doivent être placés au coeur de ce processus de soins, car l’autonomie des familles favorisera un retour à la maison précoce. Ils deviennent des acteurs dans l’alimentation de leurs enfants, même par sondes, et le « peau à peau » est encouragé. Les équipes médicales notent un accroissement des signes de bien être chez les bébés et une meilleure auto régulation dans leur alimentation. L’enfant est au centre de cette prise en charge et la qualité de l’alimentation est privilégiée à la quantité pour rendre le moment du repas confortable. Ces soins de développement font partie du programme NIDCAP (Neonatal Individualized Developemental Care and Assessment Program) désormais mis en place dans la plupart des CHU de France.

Et l’ostéopathie dans tout ça ?

Les membres de la SEROPP avaient choisi d’accès leurs présentations sur deux points fondamentaux de l’oralité. Tout d’abord, Sonia Roy-Hamon, Frédéric Chaligne et Thierry Chatel ont expliqué leur prise en charge lors de troubles de la succion chez le nouveauné allaité maternellement en détaillant des vidéos de consultations. Une étude actuellement menée au CHU de Nantes a ensuite été présentée. Sa méthodologie et sa mise en oeuvre laissent envisager une publication intéressante pour l’ostéopathie (voir aussi page 16). Enfin, Roselyne Lalauze-Pol, ostéopathe au service de chirurgie maxillo-faciale du CHU Robert Debré (Paris) a conclu cette journée par des vidéos de séances réalisées sur des enfants et adolescents atteints de lourds troubles de l’oralité. Associés à des exercices de rééducation, l’ostéopathie permet d’obtenir des résultats spectaculaires.

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