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La menace d’accouchement prématuré

La menace d’accouchement prématuré

La menace d’accouchement prématuré (MAP) survient entre la 22e semaine d’aménorrhée (SA) et la 35e SA incluse. Les éléments de diagnostic sont : des contractions utérines régulières, douloureuses qui sont objectivables par tocographie, enregistrement graphique des contractions de l’utérus, et par une échographie endo-vaginale pour évaluer la modification du col. 

Par Reza Redjem-Chibane

Claudine-Ageron
Claudine Ageron Marque est ostéopathe DO et à l’origine sage-femme DE. Elle pratique l’ostéopathie en cabinet et au CHU de Libourne. Elle est l’auteur du Guide pratique d’ostéopathie en gynécologie paru aux éditions SATAS.

L’accouchement prématuré est provoqué dans certaines indications thérapeutiques comme la toxémie gravidique mais dans deux tiers des cas, il est spontané. Plusieurs causes sont possibles :

• les anomalies ovulaires : grossesses multiples, anomalies foetales, anomalies placentaires,
• les infections : urinaires, ovulaires et cervico-vaginales,
• les incompétences cervico-isthmiques et les utérus cicatriciels,
• les facteurs socio-économiques, psychologiques et environnementaux,
• les pathologies et infections maternelles (toxémie gravidique).
Cependant, il existe des MAP qui ne présenteront aucune de ces étiologies. Ce sont des MAP d’aspect plus « fonctionnel », pour lesquelles l’approche ostéopathique est d’un réel intérêt. De manière générale, les thérapeutiques médicamenteuses proposées lors de MAP sont des agonistes bêta-adrénergiques ou bêta-stimulants (salbumol, Pre-par*, ritodrine). Ils sont néanmoins moins utilisés en raison de leurs effets cardiaques sur la mère et le fœtus.

L’antagoniste à l’ocytocine (l’atosiban, connu sous le nom de Tractocile*) est également prescrit et décrit dans son AMM (autorisation de mise sur le marché) comme indiqué pour l’accouchement prématuré. La nifédipine (Adalate) est un anticalcique décrit dans son AMM comme « hypotenseur » et employé dans le cas de la MAP avec de bons résultats. Enfin, sont utilisés des AINS, comme l’indométhacine (Indocid*). La prise en charge ostéopathique portera, quant à elle, au niveau de l’équilibration cranio-sacrée, sur la libération des charnières L5/S1, D12/L1, C7/D1 qui ont des incidences sur le système orthosympathique, la mobilité sacrée par rapport au système parasympathique et orthosympathique, la mobilité utérine par rapport à la vascularisation utérine et l’échange foeto-maternel. Au niveau viscéral, l’ostéopathe cherchera à libérer toutes les dysfonctions du système viscéral parfois à l’origine des pathologies obstétricales et de leurs conséquences pour la mère et le fœtus. Ces dysfonctions peuvent aussi provoquer, via la boucle viscéro-somatique, des restrictions pour certains groupes vertébraux qui, à leur tour, seront responsables d’informations nociceptives sur les chaînes latéro-médianes orthosympathiques. Pour la crânienne, le travail de l’ostéopathe est essentiellement axé sur la partie vasculaire et neurovégétative.
Claudine Ageron Marque est ostéopathe DO et à l’origine sage-femme DE. Elle pratique l’ostéopathie en cabinet et au CHU de Libourne. Elle est l’auteur du Guide pratique d’ostéopathie en gynécologie paru aux éditions SATAS.

ultrasoundLes résultats d’une observation

Claudine Ageron Marque a mené une pré-étude sur un groupe de femmes hospitalisées pour des MAP sévères et qui ont bénéficié, quelle que soit l’étiologie de la MAP, d’un traitement ostéopathique. « Dans ces conditions, fait remarquer cette dernière, les traitements ostéopathiques ne sont pas évidents à mettre en oeuvre : les lits sont souples, les patientes sont perfusées et limitées dans leurs déplacements. » L’âge gestationnel de ces grossesses se situaient entre 22 et 35 SA et toutes les patientes ont bénéficié d’un traitement par perfusion de Tractocile* et/ou d’Adalate*, ainsi que d’un traitement corticoïde pour la maturation pulmonaire des fœtus. Les pathologies obstétricales retrouvées, isolées ou associées sont les suivantes : 1 colique néphrétique, 1 cholestase gravidique, 1 grossesse gémellaire, 1 placenta praevia marginal, 2 macrosomies, 1 hydramnios, 8 lombalgies isolées ou associées, 2 infections urinaires, 2 constipations, 3 cols raccourcis (le plus court mesurait 10 mm) et/ou ouvert, 4 utérus latéro-déviés et fixés, 4 présentations du siège et 1 présentation transverse.

« C’est pourquoi, une dorsalgie ou une lombalgie pendant la grossesse doit être un signe d’appel à traiter avant l’apparition de la MAP »

Les dysfonctions ostéopathiques identifiées

Pour la majorité de ces patientes, il y avait eu une plainte de lombalgie ou dorsalgie précédant la mise en place des contractions utérines. « C’est pourquoi, souligne Claudine Ageron Marque, une dorsalgie ou une lombalgie pendant la grossesse doit être un signe d’appel à traiter avant l’apparition de la MAP ». De plus, il y a souvent des restrictions L5/S1, des charnières D12/L1, des torsions sacrées et des rotations d’iliaques. Viennent ensuite les dysfonctions viscérales avec des conséquences sur la MAP, mais aussi des pathologies typiquement obstétricales comme les infections urinaires, les constipations, les œsophagites, etc., avec une zone dorsale fixée de D4 à D8. Une diminution de la mobilité de l’utérus par rapport aux systèmes viscéraux mais aussi par rapport au péritoine et son système de suspension est retrouvée dans la majorité des MAP. Des dysfonctions cranio-sacrées et des dysfonctions des tensions de membranes réciproques étaient également présentes. Par ailleurs, chaque cas étant unique, il a été retrouvé, pour chaque patiente, des dysfonctions spécifiques à leur histoire. Il ne faut pas perdre de vue que la prise en charge de la patiente passe avant tout par une prise en charge ostéopathique globale et que dans le cadre de MAP, on peut être amené à traiter une entorse.

Pic encadréDes résultats à modérer

Dans cette pré-étude, les traitements médicamenteux et ostéopathiques n’ont pas suffi pour arrêter les contractions pour cinq patientes (dont une rupture de la poche des eaux et une souffrance foetale aiguë). Néanmoins, la plupart ont pu rentrer chez elles dans la semaine qui a suivi et bénéficier d’une surveillance de grossesse à domicile. Il ne faut cependant pas tirer la conclusion qu’un traitement ostéopathique peut être efficace à lui seul. En effet, cette étude porte sur la prise en charge totale de la patiente par une hospitalisation et un traitement médicamenteux adaptés, avec un traitement ostéopathique complémentaire. Il est néanmoins intéressant de constater que la majorité des patientes ont été soulagées après le traitement ostéopathique. Il reste totalement utopique d’imaginer un instant que l’ostéopathie soit une réponse à toutes les menaces d’accouchement prématuré. Pourtant, en complément d’une thérapeutique spécifique, comme par exemple des myorelaxants, anti-ocytociques, antibiotiques lors d’infections urinaires, voire dans certains cas où tout l’arsenal thérapeutique n’arrive pas à arrêter les contractions utérines, l’approche ostéopathique s’avère être une aide précieuse, efficace et sans effets secondaires.

[su_box title= »La contraction utérine : un mécanisme encore mal connu » style= »bubbles » box_color= »#fea37e » title_color= »#1866a5″ radius= »8″]Peu d’articles sont parus concernant la commande neurovégétative de la contraction utérine. La pharmacologie et l’anesthésiologie ont néanmoins permis d’avancer dans le traitement des MAP et sur la sensibilité utérine. De nombreuses hypothèses ont été formulées mais il y a peu de certitudes sur les causes du déclenchement réel des contractions utérines. Au niveau du col, il y a une concentration importante de récepteurs parasympathiques. Ces fibres sont issues de la partie terminale de la moelle épinière et émergent au niveau des trous de conjugaison sacrés S2/S3/S4. Le corps utérin reçoit aussi probablement des informations des fibres parasympathiques qui seraient capables de provoquer des contractions. Pour les fibres orthosympathiques, elles dépendent des myélomères correspondant à T9 ou T10 suivant les auteurs. Elles émergent le long de la colonne lombaire et sacrée (nerf pré-sacrés et sacrés) et agissent sur la tonicité et la vasomotricité. Selon les types de récepteurs, alpha ou bêta et le taux hormonal circulant, elles auraient une action d’inhibition ou d’activation des contractions. [su_spacer size= »0″]Par ailleurs, la musculeuse utérine est très particulière. De fait, il existe une interdépendance entre les ligaments de soutien, d’orientation et de stabilisation de la musculeuse utérine avec les attaches à la structure osseuse périphérique L’organisation des différentes couches de la musculeuse utérine réalise une véritable armature dont l’élément essentiel n’est pas la fibre mais l’organisation des fibres en faisceaux bien individualisés les uns par rapport aux autres et anastomosés à chaque extrémité. Ils glissent les uns par rapport aux autres grâce à la présence entre eux d’un tissu interstitiel. Le travail de l’ostéopathe sur la mobilité utérine aura donc pour objectif de faciliter les glissements des faisceaux les uns sur les autres. Par exemple, la libération des fibres musculaires permet au foetus de bouger et de se positionner en présentation céphalique.

La commande post hypophysaire : une interaction neuro-hormonale

L’ocytocine joue aussi un rôle dans la contraction de la musculeuse utérine. C’est un nanopeptide formé au niveau des noyaux supra-optiques et paraventriculaires de l’hypothalamus, et transporté puis stocké par la posthypophyse qui le libère ensuite dans la circulation sanguine. Le contrôle hormonal stéroïdien de la contraction utérine est aussi réalisé entre autres par le placenta et le fœtus. Le placenta fabrique des progestérones qui inhibent les récepteurs alpha de l’orthosympathique et le fœtus fabrique des œstrogènes qui stimulent les récepteurs alpha du système orthosympathique et qui induisent des contractions. La grossesse, malgré les modifications importantes dues à la croissance du bébé dans la cavité abdominale, reste physiologique et demande au corps une grande adaptabilité. Elle se fera grâce au jeu hormonal et par une série d’accommodations articulaires, vasculaires et neurovégétatives. En effet, la croissance de l’utérus dans le bassin puis dans l’abdomen déséquilibre le corps de la femme enceinte vers l’avant, qui compensera alors par des adaptations postérieures, si tous les éléments sollicités ne sont pas en restriction de mobilité. La ligne de gravité étant un point neutre et constant, l’augmentation de ces courbures crée alors des points pivots. C’est pourquoi, les charnières lombo-sacrée, dorso-lombaire, cervico-dorsale et C0/C1 peuvent, par une série d’adaptations, perdre leur mobilité et engendrer des informations nociceptives sur le système orthosympathique, les chaînes fasciales, les chaînes musculaires, et viscérales et par conséquence provoquer les contractions utérines avant terme.

Les modifications viscérales

L’ensemble du système viscéral est bien évidemment malmené par l’intrusion de l’utérus dans la cavité pelvienne. L’intestin grêle est chassé au-dessus et latéralement de l’utérus, le gros intestin est repoussé en haut et en arrière, le diaphragme est limité dans sa descente, le foie et l’estomac voient leur mobilité modifiée, le pancréas est plaqué en arrière de l’utérus, la vessie quitte sa situation pelvienne pour venir se situer au niveau abdominal et les reins sont refoulés en arrière et en haut. Chaque perte de mobilité viscérale entraîne des réponses viscéro-somatiques qui, à leur tour, génèrent des informations nociceptives. Ce bombardement d’influx afférents entraîne une réaction d’hypertonie des muscles paravertébraux. C’est pourquoi, le travail autour de l’utérus est important pour lever toutes ces contraintes.[/su_box]

[su_button url= »http://www.osteomag.fr/boutique/ » style= »flat » background= »#cbc017″ color= »#000000″ size= »2″ icon= »icon: pencil-square-o » icon_color= »#000000″ text_shadow= »0px 0px 0px #000000″]Article tiré du reportage Symposium international d’ostéopathie de Lausanne Prématurité et douleur du nourrisson : de la prévention à la prise en charge publié dans L’ostéopathe magazine #11 (Mars/Avril 2012)[/su_button]

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